L'Herbe des nuits
Auteurs   Modiano, Patrick (Auteur)
Edition  Arpenteur (L') : Paris , 2012
Collection   Blanche
Collation   178p
ISBN   2-07-013887-9
Prix   16.90
Langue d'édition   français
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Notes : Dans le petit carnet noir s'entassent des notes disparates. Des adresses, des patronymes, des numéros de téléphone, des rendez-vous, des titres d'ouvrages, des phrases lues, des textes courts qui ont peut-être quelque chose à voir avec la littérature ... Ce qui n'y est pas consigné ? L'essentiel peut-être, tant il est vrai que, souvent, on évite d'écrire les détails trop intimes de notre vie, de crainte qu'une fois fixés sur le papier ils ne nous appartiennent plus . Tel quel, avec sa profusion d'annotations accumulées et ses blancs, ses omissions, ses silences, ce carnet noir renferme le faisceau d'indices qui guide le narrateur de L'Herbe des nuits dans la quête où il est engagé. Quête immatérielle et inlassable, éternellement recommencée — car à l'évidence le nouveau roman de Patrick Modiano prend place comme un chapitre supplémentaire, ou une nouvelle variation, dans cet admirable poème dont il a entrepris la composition il y a plus de quarante ans. Entreprise dont on guette, attentif, aimanté, les permanences et les nuances. Ce carnet noir qui, au narrateur de L'Herbe des nuits, fait office de viatique vers le passé, les plis du temps, n'est pas si différent de celui dont disposait, dans L'Horizon, le précédent roman de Modiano, le personnage principal, Jean Bosmans. Lequel avait entrepris de consigner par écrit ce qui aurait pu être et qui n'avait pas été — tout un vertigineux et indécis savoir qu'il désignait sous le terme de matière sombre . Entre ce qui a eu lieu, ce qui n'est qu'hypothèse, ce qui vient du songe, la frontière est de plus en plus difficile à tracer dans les romans de Patrick Modiano. Il me semble à présent que je vivais une autre vie à l'intérieur de ma vie quotidienne. Ou, plus exactement, que cette autre vie était reliée à celle, assez terne, de tous les jours et lui donnait une phosphorescence et un mystère qu'elle n'avait pas en réalité , note ainsi le personnage de L'Herbe des nuits. Lui aussi se prénomme Jean, et comme naguère Bosmans dans L'Horizon, comme tant d'autres narrateurs de Modiano avant eux, il possède l'aptitude de s'insinuer dans les brèches du temps pour retrouver celui qu'il fut jadis, un demi-siècle plus tôt. Au milieu des années 1960, il était un jeune homme flottant, incertain, vacant — coupable, dit-il, mais coupable de quoi ? , et illégitime car, oui, c'est plus fort que soi, on se sent toujours coupable lorsque de nobles et honnêtes parents ne nous ont pas persuadés dans notre enfance de notre bon droit et même de notre nette supériorité, en n'importe quelle circonstance de la vie . Une jeune femme mystérieuse, des compagnons de route interlopes, des appartements et des chambres d'hôtel, une scène de crime, des ramifications politiques vers le Maroc postcolonial... Ce sont là quelques-uns des éléments que Modiano, rêveur et grave, dispose sur sa page blanche, semant à leurs côtés d'autres indices — puisés notamment chez Nerval, Rétif, Baudelaire... — qui irriguent l'énigme plus qu'ils ne l'éclaircissent. Comment se fait-il que cette chambre d'échos, si personnelle et si secrète, nous soit tout sauf hermétique, mais au contraire nous parle si admirablement, si intimement de nous ? De l'expérience du temps qui est le fondement même de l'expérience humaine ? C'est le secret de Modiano — on n'en veut surtout pas la clé.
Sources : Babelthèque